Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
LES CHAPERONS DU SYMBOLISME

avant Germinie Lacerteux, la Faute de l’abbé Mouret avant l’Assommoir. Parmi les jeunes écrivains, ceux-là seuls le charment que méprise le public incapable de comprendre. C’est Verlaine, Tristan Corbière, Théodore Hannon, un élève de Baudelaire et de Gautier, et enfin Mallarmé. Les autres poètes, Leeonte de Lisle, Victor Hugo, l’attirent sans doute, mais faiblement. En prose, Stendhal et Duranty l’auraient séduit si leur langue administrative ne l’avait irrémédiablement choqué. En définitive, ses auteurs de prédilection restaient Baudelaire. Poe dont la « clinique cérébrale » le passionnait et Villiers de l’Isle-Adam qui par quelques-uns de ses livres, Contes cruels et Isis, méritait de retenir l’attention. À ces ouvrages il ajoutait une anthologie mise sous l’invocation de Baudelaire et qu’il avait fait imprimer selon ses idées. Elle comprenait un « selectæ de Gaspard de la Nuit, de ce fantasque Aloysius Bertrand », le vox populi de Villiers de l’Isle-Adam, quelques extraits du livre de Jade et quelques poèmes sauvés des revues mortes. De toutes les formes littéraires, des Esseintes préférait le poème en prose comme représentant « le suc concret, l’osmazome de la littérature, l’huile essentielle de l’art ». Pour lui, la littérature française finissait à Mallarmé qui avait poussé jusqu’à leur dernière expression les quintessences de Baudelaire et de Poe et en qui « l’agonie de la vieille langue atteignait le deliquium de la langue latine, laquelle expirait dans les mystérieux concepts et les énigmatiques expressions de saint Boniface et de saint Adhelme ».

La culture littéraire de Des Esseintes peut donc se résumer ainsi : de l’antiquité grecque, pas un mot. Dans l’antiquité latine, mépris des réputations consacrées, dédain volontaire des maîtres du classicisme ; par contre, enthousiasme pour les auteurs jugés décadents et la plupart de ceux qu’une histoire de la littérature même complète peut ignorer. En France, quelques condescendances pour les prédécesseurs de Malherbe. Le xviie siècle se résume dans deux orateurs