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LE SYMBOLISME

cendre, qu’à mourir. Les autres aujourd’hui, en acceptant le mot de décadent comme un drapeau, sont manifestement en train de lui donner une autre signification. Ils entendent déclarer que la littérature à chaque siècle doit essayer de trouver une forme nouvelle en communion avec les idées de ce siècle. Or la littérature décadente est-elle celle qui répond aux besoins intellectuels, aux aspirations de cette fin de siècle ou du commencement de celui qui va naître ? Il est permis de le nier. Les décadents n’ont pas une doctrine d’une solidité à toute épreuve. Ils ont des poèmes écrits avec plus ou moins de talent en simple, bon et clair français. Ils en ont d’autres qui ressemblent à des logogriphes. À côté de l’obscur Mallarmé, ils revendiquent comme leurs le limpide Verlaine, Villiers de l’Isle-Adam qui se lit à livre ouvert, Huysmans, styliste cristallin, et même Barbey d’Aurevilly. De ces considérations il ressort donc bien que les décadents ne sont pas toujours logiques avec eux-mêmes et fidèles à la théorie qu’ils professent. Quelle est exactement cette théorie ? M. Sutter-Laumann s’efforce de la découvrir dans les articles publiés par le Décadent, dans le Manifeste signé par Moréas et dans le Traité du Verbe de René Ghil. Cela lui permet de démontrer que le symbolisme n’aura guère qu’un succès de curiosité ; car, bien loin d’être une évolution du progrès, il n’est qu’un retour en arrière, l’emploi exagéré d’anciens procédés qui ont fait leur temps, mis au service d’idées vieilles tombant en décrépitude. Au point de vue de la forme, les nouveaux poètes préconisent l’emploi de mots rares ou précieux. Ils abusent du néologisme ; ils violent les règles les plus élémentaires de la syntaxe et s’ingénient à trouver des relations parfaites entre les sons et les couleurs. Au point de vue du fond, ils sentent bien qu’avec une pareille langue tout ce qui touche à la vie moderne leur est absolument fermé. Écoutez l’un d’eux, M. Anatole Baju : « Les décadents ne peuvent choisir leurs sujets que dans la bonne société. Leurs personnages doivent avoir parcouru tout le cercle des