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À BOUTEILLER, LA LORRAINE RECONNAISSANTE

ami particulier de MM. de Freycinet, Clemenceau et de nombreux parlementaires, l’engagement de lui verser dix millions le jour où cette loi sera votée.

Ces messieurs du Panama, habitués aux maîtres chanteurs, admirent un homme de grand talent qui va être député, qui aura de l’autorité, qui vient de leur fournir un travail réel et qui se contente de cinquante mille francs. Tous les gens d’esprit, sans connaitre le moyen de Bouteiller, l’approuvent « d’avoir su faire le nécessaire ». Lui-même se félicite d’un expédient que de plus en plus il juge raisonnable : il pressent que ces premières relations, outre qu’elles permettent sa réussite à Nancy, comporteront d’excellentes suites. Une fois le canal creusé et sa propre situation affermie, pourquoi n’entrerait-il pas au Conseil d’administration de la Compagnie ? Il y trouverait les ressources fixes qui seules assurent l’indépendance et l’honorabilité d’un homme politique.

Ces cinquante mille francs furent à Bouteiller presque aussi utiles que les attaques de l’Évêché. Il eut la satisfaction de vérifier la sagesse de ses pronostics : l’habileté du directeur de la Lorraine républicaine et du député sortant, la propagande de la feuille bi-hebdomadaire, le Mussipontin rural, qu’il avait fondée, dissipèrent chaque jour le plus gros des répugnances locales. Bref, le candidat exotique arrivait plein d’espoir au jour du congrès, quand, la surveille, le plus médiocre accident faillit tout compromettre.

Il y avait deux délégués, Henrion et Goulette, de petite bourgeoise aisée, fameux dans la région pour leur ivrognerie. Elles les déconsidérait, mais, cra-