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LES DÉRACINÉS

Nancy, aux lieux mêmes où on l’accusait d’avoir démoralisé la jeunesse, faire appel à ses anciens collègues, à ses élèves, à leurs familles, à leurs concitoyens. Dans une conférence publique et dans plusieurs réunions privées, il fut de premier ordre. Le journal de l’évêché riposta. Même les électeurs indifférents à ces généralités confuses jugèrent cette polémique plutôt favorable à M. Bouteiller. Il leur parut excessif qu’on attribuât une part de responsabilité dans un assassinat à un homme dont il était impossible, après qu’on l’avait entendu parler, de contester l’austérité personnelle et le sentiment élevé du devoir.

Ce fut une préparation des plus utiles à sa candidature, qui prit ainsi un sens supérieur.

Une sérieuse difficulté restait à surmonter : — l’argent. À peine si Bouteiller possédait 4 à 5,000 francs d’économies. Le congrès qui se réunit à Nancy et désigne les candidats républicains, a coutume, c’est vrai, de rassembler une certaine somme pour les frais de la campagne, mais il exige que chacun des candidats s’inscrive lui-même pour 10,000 francs. La difficulté, d’ailleurs, n’est pas là. Pour paraître en bonne posture devant ce congrès qui, en réalité, décide de l’élection, il y a des dépenses préliminaires. Le passage de Bouteiller au lycée de Nancy a laissé d’heureux souvenirs ; sa polémique avec l’évêque le sert, mais tout de même il est un étranger : grave objection pour le Lorrain défiant. C’est excellent d’avoir obtenu du gouvernement une perception pour le député sortant, à demi ruiné par les charges de son mandat : heureux de cette bonne retraite, il va présenter Bouteiller à ses électeurs