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LES PERPLEXITÉS DE FRANÇOIS STUREL

Racadot apparut ; ses larmes, sa sueur non essuyée trempaient son visage pourpre et gonflé :

— Arrière les riches, les voleurs, les fainéants ! cria-t-il, les deux bras en l’air.

De plus en plus, il se tenait pour une victime de l’ordre social. Les témoins le huèrent. Il bouscula ses gardes qui coururent pour le rejoindre. Ils le dissuadèrent difficilement de préférer le chemin par où il était venu à la petite porte qu’ils ouvraient sur la gauche. Elle se referma sur lui, comme l’eau sur un noyé. Le rire immense des avocats accompagna sa disparition. Il était hors du monde et seul avec ses gardes : un faible avec des forts. Immédiatement, ils le battirent, le frappant de préférence dans la poitrine et dans la figure. Puis on l’entendit qui descendait le petit escalier tournant : pan ! pan ! en cadence. Il était calmé. Les gardes, dans l’intimité, ont la manière pour vous apaiser et vous faire l’âme résignée qui convient au prisonnier.

De ces détails Sturel connut une partie, le dimanche matin 31 mai. En bon contribuable, il fut assuré de la culpabilité de ses amis dont il avait douté tant qu’il n’avait eu que son propre témoignage. L’arrestation, c’est pour un Français plus probant qu’un flagrant délit.

Qu’allait-il faire de Mouchefrin ?