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LES DÉRACINÉS

Sturel fut froissé qu’elle admît une hypothèse où elle l’écarterait.

Il répondit :

— Je ne fais plus partie de la Vraie République.

— Il l’a supprimée, dit la jeune fille à sa mère.

— Je crois que son organisateur veut la maintenir, — rectifia le jeune homme. — Mais je n’ai plus rien à y voir.

— C’est beaucoup à nourrir pour un homme qui n’est pas sûr de son dîner, — fit observer madame Alison avec la blessante supériorité du bon sens.

— Enfin, dit la jeune fille, M. Sturel n’est pas solidaire des gens dont il est moins l’ami que le bienfaiteur.

— Mais qui l’accuse ? Je regrette seulement que M. Sturel perde une occasion de s’occuper selon ses goûts.

Grondée par sa fille et n’ayant aucune méchanceté, madame Alison, pour effacer le souvenir de quelques piques de cette sorte, invita François Sturel à une promenade du soir au bois de Boulogne. Madame de Coulonvaux fut de la partie, en sorte que les deux jeunes gens purent s’occuper d’eux seuls. C’était le 21 mai, à quatre jours de cette triste pluie qu’ont supportée Racadot, Mouchefrin, la Léontine jetés sur la voie publique. Mais cette pluie, qui avait augmenté la misère de ces trois malheureux et qui collaborait ainsi à d’irréparables malheurs, doit ici être dite excellente, parce qu’elle a dégagé, fait éclore le printemps sur Neuilly, Sèvres, Boulogne et Saint-Cloud.

À travers le bois de Boulogne, la voiture les conduisit d’abord au pont de Saint-Cloud. Thérèse