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CHAPITRE XIII

SON PREMIER NUMÉRO

Le 24 juin 1884, dès le matin, tous se réunissent pour arrêter la composition du premier numéro, qui va paraître le lendemain. Au début de l’été ! Racadot excité par l’optimisme de Renaudin avait tremblé, s’il attendait jusqu’à l’automne, que le journal ne lui fût « soufflé ».

De quelle forte activité Racadot vient tout ce mois d’enfiévrer son affaire ! Il apprend la typographie, l’administration, les secrets de la publicité ; il n’y met pas d’amour-propre et se fait répéter les choses, harcèle chacun pour être sûr de bien comprendre. Parfois il se sent faible, il doute. Alors son imagination exagère la science de Rœmerspacher, la finesse de Sturel, les belles relations de Saint-Phlin, Suret-Lefort, Renaudin. Il leur prête tous les talents, toutes les influences, et du dévouement. C’est l’hallucination du paysan pour qui ses vaches, son veau, son mouton sont les plus beaux du marché.

Le rendez-vous est « aux bureaux », — trois petites chambres qui donnent sur une cour intérieure de la rue Saint-Joseph. Quand Racadot entend ses