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LES DÉRACINÉS

dients. On ne leur reproche pas leur bassesse ni leur cynisme ; c’est par des personnages bas et des moyens cyniques que de très grandes choses ont été accomplies. Seulement on ne voit pas où tendent ceux-ci. L’un d’eux tout à l’heure exprimait leur sentiment profond : « On ne nous demande pas que nous fassions quelque chose, mais que nous occupions la place pour empêcher d’autres de faire des choses… »

Passons-leur encore cette apathie. Peut-être, à cette date, l’intérêt national réclame-t-il qu’on piétine sur place. La politique n’est pas d’agir d’une façon qui satisfasse l’esthéticien ou le moraliste : elle a son objet propre qui est la vie de la collectivité. Mais comment ces invités du baron Jacques de Reinach, qui sont le gouvernement de notre pays, vont-ils accroître, utiliser, maintenir l’énergie française ? Et précisément, ce soir, devant nous, une énergie admirable et de tous points précieuse a été mise en rapport avec le ministre Raynal, avec son sous-secrétaire d’État M. Baïhaut, avec leurs amis, et avec M. Wilson et son groupe. Bouteiller — dans cette même journée où ses anciens élèves viennent d’aller à la force imaginative, au tombeau de l’Empereur — prend contact avec cette force réelle, avec ce groupe de dirigeants. C’est une richesse nationale qu’un Bouteiller ; il vaut plus qu’un vaste domaine d’État ; plus même, selon nous, qu’une bonne loi : c’est un cerveau, une âme, un faiseur d’hommes. Eh bien ! cette recrue en qui un César trouverait un merveilleux commis de son pouvoir, et qu’une République peut employer au service de son idéal, comment les parlementaires vont-ils en user ?