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LA FRANGE DISSOCIÉE ET DÉCÉRÉBRÉE

Les forces vivantes de notre pays, ses groupes d’activité, ses principaux points d’union et d’énergie, dans l’ordre matériel ou spirituel, c’est aujourd’hui :

1° Les bureaux, c’est-à-dire l’ensemble de l’administration, où il faut bien faire rentrer l’armée. — Qu’on aime ou blâme leur fonctionnement, c’est eux qui supportent tout le pays, et, s’ils ont contribué pour une part principale à détruire l’initiative, la vie en France, il n’en est pas moins exact qu’aujourd’hui ils sont la France même. Il faut bien les respecter et les appuyer, quoi qu’on en ait : car, après avoir diminué la patrie par des actes qui n’ont plus de remèdes, ils demeurent seuls capables de la maintenir.

2° La religion. — Si l’on veut, nous possédons la catholique, la protestante et la juive ; mais, à voir de plus haut, la France est divisée entre deux religions qui se contredisent violemment, et chacune impose à ses adeptes de ruiner l’autre. L’ancienne est fondée sur la révélation ; la nouvelle s’accorde avec la méthode scientifique et nous promet par elle, sous le nom de progrès nécessaire et indéfini, cet avenir de paix et d’amour dont tous les prophètes ont l’esprit halluciné.

3° Les ateliers agricoles, industriels ou commerciaux. — Ils se proposent de produire l’argent et sont eux-mêmes à la merci de ses manœuvres. Le capital agiote, détruit, devient de plus en plus international et aspire à n’être pas solidaire des destinées françaises.

4° D’innombrables associations de toute espèce, que les bureaux dépouillent d’initiative, d’indépendance. Parmi elles, seuls les syndicats ouvriers ont