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appendice

connais point. Je crois qu’avec plus de recul, M. Doumic trouvera dans mon œuvre, non pas des contradictions, mais un développement ; je crois qu’elle est vivifiée, sinon par la sèche logique de l’école, du moins par cette logique supérieure d’un arbre cherchant la lumière et cédant à sa nécessité intérieure.

Je m’explique la-dessus, parce que M. Doumic n’est pas le seul à me faire une réception d’enfant prodigue. D’autres me donnent des éloges dont s’embarrasse mon indignité. Eh ! messieurs, mes erreurs, il s’en faut bien que je les « abjure solennellement ou non : elles demeurent, toujours fécondes, à la racine de toutes mes vérités.

Si c’est mon illusion, elle est autorisée par tant de jeunes esprits qui m’ont gardé leur confiance, non parce que je les amusais (j’aime à croire que je suis un écrivain plutôt ennuyeux qu’amusant ; on est prié d’aller rire ailleurs), mais parce que je les aidais à se connaître ! Sans doute, mon petit monde créé par douze ans de propagande, par Simon, par Bérénice et par le chien velu, a été décimé par l’affaire Dreyfus. Je garde un souvenir aux amis perdus, mais notre première entente m’apparaît comme un malentendu ; nous n’étions pas de même physiologie. Seuls les purs, après cette épreuve, sont demeurés. C’est pour le mieux. Ils reconnaissent que je n’ai jamais écrit qu’un livre : Un Homme libre, et qu’à vingt-quatre ans