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UN HOMME LIBRE

lystes. Les analystes prient l’inconnu qu’il veuille être leur ami, et rejetant toute pudeur, ils le provoquent à connaître leur âme et à en jouir. Les uns et les autres sont victimes d’une fatalité, car ils naquirent chargés d’attraits singuliers. J’aime l’orgueil qui les pousse à révéler publiquement leur beauté. J’aime leur désintéressement qui leur fait dédaigner toutes ces petites préoccupations, groupées par le vulgaire sous le nom de dignité, et auxquelles Simon prêtait de l’importance. J’aime leurs emportements qui m’aident à comprendre la mort : ils se hâtent de faire leur tâche et d’épanouir leurs vertus, car ils n’auront pas de fils, selon le sang, à qui les transmettre. Il faut qu’ils se gagnent des fils spirituels où déposer le secret de leurs émotions. La frénésie des monographistes sincères et celle de Cléopâtre abandonnée dans les bras de César, d’Antoine et de tant de soldats, n’éveillent aucune raillerie facile chez les esprits réfléchis : de telles impudeurs transmettent, de génération en génération, les vertus d’exception. Ces femmes et ces penseurs ont sacrifié leur part de dignité vulgaire pour mettre une