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UN HOMME LIBRE

finie d’énergies en puissance, et que pour moi il n’est pas de stabilité possible. Je le sais au point que, sur cet axiome, j’ai fondé ma méthode de vie, qui est de sentir et d’analyser sans trêve.

Pour aiguillonner ma sensibilité et la pousser dans cette voie d’amour que j’expérimente, j’ai trouvé cinq à six traits d’un effet sûr.

1o Se représenter l’Objet, de chair délicate et de gestes caressants, aux bras d’un homme brutal, et pâmée de cette brutalité même, embellissant ses yeux de misérables larmes de volupté, qu’elle n’eût dû verser que sainte et honorant Dieu à mes côtés.

Cette trahison des sens, cette défaite de la femme, si faible contre les exigences de ses vingt ans, fournissait un thème abondant et monotone a mes entretiens du soir avec l’Objet. L’Objet surpris, choqué, puis fatigué par mon insistance, m’avoua diverses circonstances où elle avait goûté violemment ces affreux entraînements. Je l’écoutais en silence, rempli d’amertume et de trouble, tandis que, s’animant, elle mettait à ses aveux un vilain amour--