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xi
préface

laideur, les vices et les vertus lui paraissent des objets de simple curiosité. L’âme humaine tout entière est, pour lui, un mécanisme savant et dont le démontage l’intéresse comme un objet d’expérience. Pour lui, rien n’est vrai, rien n’est faux, rien n’est moral, rien n’est immoral. C’est un égoïste subtil et raffiné dont toute l’ambition, comme l’a dit un remarquable analyste, Maurice Barrès, dans son beau roman de l’Homme libre, – ce chef-d’œuvre d’ironie auquel il manque seulement une conclusion, consiste à « adorer son moi », à le parer de sensations nouvelles. »

Oui, l’Homme libre racontait une recherche sans donner de résultat, mais, cette conclusion suspendue, les Déracinés la fournissent. Dans les Déracinés, l’homme libre distingue et accepte son déterminisme. Un candidat au nihilisme poursuit son apprentissage, et, d’analyse en analyse, il éprouve le néant du Moi, jusqu’à prendre le sens social. La tradition retrouvée par l’analyse du moi, c’est la moralité que renfermait l’Homme libre, que Bourget réclamait et qu’allait prouver le roman de l’Énergie nationale.