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SOUS L’ŒIL DES BARBARES

ciel bleu ; par la prairie rousse le jeune homme au cœur bondissant voyait à la parole de son maître vaciller l’horizon connu ; et des fleurs que lui donna la jeune fille, il chassait les mouches avides de cette frissonnante bourrique.

Vous fûtes sage, bourrique, à cette heure. Un fossé vous présentait son herbe drue et son eau éclatante que fendillent les genêts. Vous arrêtâtes leurs discours et votre marche ; vous saviez les habitudes, la halte ombreuse, le pain tiré de la poche et qu’on se partage. Des paroles, même excellentes, ne troublaient point votre judiciaire, et les yeux discrètement fermés, avec la longue figure d’un contemplateur qui dédaigne jusqu’aux méditations, vous demeuriez entre eux deux, remâchant votre goûter, et vos longues oreilles d’argent dressées comme une symbolique bannière