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SOUS L’ŒIL DES BARBARES

soleil et l’aube, il lui semblait que, désormais débordant cet étroit canal d’une nuit, le fleuve allait se répandre et l’emporter lui-même sur tout le champ de la vie. Délices de comprendre, de se développer, de vibrer, de faire l’harmonie entre soi et le monde, de se remplir d’images indéfinies et profondes : beaux yeux qu’on voit au dedans de soi pleins de passion, de science et d’ironie, et qui nous grisent en se défendant, et qui de leur secret disent seulement : « Nous sommes de la même race que toi, ardents et découragés. »

Et ce ne sont pas là les pensées familières, les chères pensées domestiques, de flânerie ou d’étude, que l’on protège, que l’on réchauffe, qu’on voit grandir. À celles-là, le soir, comme à des amoureuses nous parlons sur l’oreiller ; nous leur ajoutons un