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SOUS L’ŒIL DES BARBARES

n’en parlent jamais, et les hommes inspirés la chantent en termes magnifiques, avec tout le déploiement de langage qui convient aux choses sacrées.

« Elle est la félicité suprême, l’inconnue digne de nos méditations, la patrie des rêves et des mélancolies. Elle est le seul, le vrai bonheur. Quelques sueurs et des contractions la précèdent qu’il faut couvrir d’un voile, mais aussitôt nous nous fondons dans l’Être, nous sommes soustraits aux douleurs du corps ; plus d’angoisse, plus de désir, nous nous absorbons dans l’un, dans le tout… »

Sa voix était un peu cadencée et, par moments, s’envolait avec l’ampleur d’un hymne aux dieux. Au milieu des huées d’un peuple, il y avait une rare dignité dans cette vierge si jeune et belle, dé-