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SOUS L’ŒIL DES BARBARES

et je suis belle et je m’ennuie, ô Lucius. Les divines tendresses d’Atys, les inquiétants mystères d’Isis et la grandeur de Serapis n’apaisent pas mes longs désirs ; or je sais trop ce qu’est Aphrodite pour daigner me tourner vers elle. C’est par moi que naît l’amour, et je sais ses souffrances et qu’elles lassent, car gémir même devient une habitude. Je suis une Syrienne, la fille d’une affranchie qui prophétisait ; tu es un Romain, presque un Hellène, tu sais railler, ô Lucius, mais il serait plus doux et plus rare de pouvoir consoler. »

Debout contre la rampe du baldaquin pourpre et noir, le Romain jouait avec les glands d’or de sa tunique de soie jaune. L’élégance de ses mouvements révélait l’usage et la fatigue de vivre pleinement. Il évitait les mots sérieux qui sont maussades :

– Amaryllis, disait-il, laisse-moi m’é-