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LA COLLINE INSPIRÉE

que cette face de son âme qui aspirait à l’amour. Le bon père Magloire en fut ébloui, et devinant que toute explication blesserait un cœur si malade, il eut un geste plus humain que religieux, et lui serra simplement la main.

Tous deux se turent quelques minutes, puis comme ils rentraient dans la Chartreuse, Léopold la montrant d’un geste :

— Cette maison, mon Père, savez-vous comment elle a été construite ? Par notre duc Charles IV, avec les pierres de nos forteresses lorraines, quand Richelieu nous contraignit à les détruire. Eh bien ! moi aussi, on m’a ordonné de détruire de grandes forteresses lorraines que j’avais relevées de mes mains…

Et il les ouvrait toutes grandes, ajoutant :

— Comment voulez-vous que j’aie pu trouver la paix ici ?

Jamais le bon Chartreux n’avait entendu de semblables paroles. Son imagination, déconcertée par un pareil rapprochement, se réfugia dans un humble conseil dont il ne pouvait pas soupçonner les redoutables conséquences.

— Votre retraite touche à sa fin, monsieur Baillard. Allez-vous rentrer tout droit à Saxon ? À votre place, j’essayerais d’un petit voyage. Il ne faut pas, comme vous faites,