Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
LA COLLINE INSPIRÉE

giens et mansit in solitudine. Voilà qu’il s’est éloigné en fuyant et qu’il est resté dans la solitude. » Il trouva Léopold qui se promenait dans la partie la plus mélancolique de la petite chesnaie, et il lui dit tout bellement :

— Monsieur le Supérieur, je viens de rencontrer le Révérend Père Abbé qui m’a dit que j’avais fait une impertinence en vous laissant seul et que je ne manquerais pas de trouver, derrière ma cellule, mon jardin, autant de fois que je voudrais, mais que nous n’avions pas tous les jours le restaurateur de Sion, de Flavigny, de Mattaincourt et de Sainte-Odile. Je l’ai cru et je m’en viens tout droit vous prier d’excuser ma sottise, car je vous avoue que ignorans feci.

À ces mots, les traits contractés de Léopold Baillard s’attendrirent et deux larmes coulèrent de ses yeux. Sur ce visage de fiévreux apparut l’expression la plus touchante d’une tristesse en quête d’une consolation. Léopold, contraint de plier devant les représentants de Dieu, en appelait depuis vingt jours à Dieu même. Et soudain ces bonnes paroles, qui semblaient lui tomber du ciel, venaient fondre sa dureté. Toute trace d’orgueil disparut de sa figure pour ne plus laisser voir