Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
LA COLLINE INSPIRÉE

quelque cantique, car tous les trois, et surtout Léopold, étaient sensibles à la beauté des voix.

Souvent des camarades du séminaire et des prêtres du voisinage venaient prendre leur part de ces minutes heureuses. Mais le plus beau jour, ce fut quand Mgr  de Forbin-Janson, en tournée de confirmation, voulut s’asseoir à la table d’une famille si recommandable. Madame Baillard avait fait toilette. « Ah ! dit Sa Grandeur agréablement, la mère Baillard a mis sa robe de soie gorge de pigeon. »

Dans cette journée, qui marque peut-être le plus haut moment de cette famille cléricale, nul des Baillard ne sentit la condescendance du grand seigneur chez l’évêque, pas plus que celui-ci ne soupçonna les charbons cachés sous la cendre et qui échauffaient l’âme de ces serviteurs obscurs. Il ne vit pas les deux faces de l’orgueil des Baillard : orgueil devant tout le pays d’être reconnus par les autorités hiérarchiques comme des soutiens de la religion, et orgueil devant ces autorités d’être la profonde Lorraine catholique. Ces paysans ne doutent pas d’avoir servi l’Église sur leur sol, mieux que n’a fait aucun de ces grands dignitaires qui se