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de Notre-Dame. Puis-je dire que j’ai réussi ? L’âme des Baillard m’a échappé. Ah ! se présenter devant Dieu avec quelqu’un que l’on tient par la main et qu’on lui amène, c’est bien, mais arriver seul ! J’ai vu François me repousser à son lit de mort. Si cette âme que j’ai laissé partir irritée et désolée m’attendait là-haut, j’accepterais la mort avec moins d’appréhension, j’entonnerais avec confiance le psaume du sacrifice. Sauvons Léopold, mon Père ! Alors, je pourrai murmurer : Introïbo ad altare Dei.

Il s’interrompit un instant comme pour reprendre haleine, tandis que le jeune Oblat se tenait près de lui, silencieux et méditatif, et d’une voix quasi intérieure il reprit :

— Ai-je su comprendre Léopold ? Il y avait en lui quelque chose qui l’empêchait de trouver la paix. Mais dans notre paix, à nous, n’y a-t-il pas une atonie de l’âme ? Il a perverti un magnifique élan qui lui venait de Dieu. Avec tous j’ai ri et puis anathématisé. N’aurais-je pas dû l’aider à purifier cette inspiration qui s’agitait au fond de son cœur et dont il abusait d’une manière coupable ? N’était-ce pas mon rôle de prêtre de reconnaître, au milieu de ses erreurs, le mouvement de Dieu ? Il s’appuyait sur la colline ;