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au-. Il était descendu chez le vieux Baillard, à peu de chose près, comme autrefois, dans l’Afrique du Sud, il s’acheminait vers la paillotte d’un chef Zoulou. Maintenant il voit son erreur et qu’il n’a trouvé aucune prise sur l’âme du vieillard. Il gravit soucieusement les pentes ruisselantes de dégel, dont l’aspect influe encore sur son esprit attristé, et malgré le vent et le froid, il n’est pas pressé d’arriver à Sion où un autre malade attend son récit avec la plus vive anxiété.

Le Père Aubry sentait qu’il allait mourir, mais depuis qu’il avait appris l’état désespéré de Léopold, une activité fiévreuse et sans sommeil avait succédé à son abattement. Une série de souvenirs s’éveillaient dans son imagination, coupés par ces grands élans qu’excitent dans une âme les approches de la mort. Il revoyait toutes les étapes de son triomphe sur la colline, il en rappelait toutes les minutes, mais le cœur moins assuré, inquiet maintenant d’y sentir plus d’amour-propre que de charité. Il revivait ce premier jour où, sur le parvis de l’église, il avait rencontré et repoussé Léopold, et lui avait devant tous jeté à la face le terrible vade retro, Satana ; il entendait galoper sur les pentes, aux talons des Baillard le