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LA COLLINE INSPIRÉE

Des enfants conçus dans de telles émotions, formés de ce sang et bercés par des récits d’un si ferme caractère hagiographique, étaient prédestinés. Ils étaient le fruit d’une longue pensée sacerdotale, ils ne pouvaient avoir qu’un rêve, qu’une mission : Léopold Baillard entra au séminaire, ses deux frères l’y suivirent.

Léopold se distingua, au cours de ses études, par l’âpreté avec laquelle il soutenait les opinions philosophiques et théologiques qu’il avait une fois adoptées. D’ailleurs bon latiniste et grand amateur de beau langage. Moins brillant, François se faisait peut-être plus aimer. Ses condisciples s’amusaient, dans les récréations, à former le cercle autour de lui, pour l’entendre déclamer d’une voix très forte et très souple le célèbre exorde du Père Bridaine : « À la vue d’un auditoire aussi nouveau pour moi… » Quant au jeune Quirin, leur cadet, c’était une figure pointue, rapide à argumenter. Il offrait sous la soutane un singulier mélange de fantassin et d’avocat de justice de paix. Est-il besoin de dire qu’aucune objection ne se forma jamais dans l’esprit de ces jeunes clercs ? Ce qu’on leur enseignait rassemblait en corps de doctrine les sentiments profonds et les bribes d’idées sur