Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veiller sur le sommeil de tous, étant donné les grandes chances qu’il y a pour que cette nuit ce soit la fin du monde.

Après avoir un peu insisté, ils le laissèrent auprès du grand feu, puisque c’était sa volonté, et chacun s’en alla chez soi sans attacher autrement d’importance aux prophéties de cet étrange visiteur.

Bientôt, tout Étreval dormait, enchanté d’une si curieuse soirée. Seul, l’enfant miraculé ne pouvait fermer les yeux. Ce n’était pas que son mal d’oreilles eût repris, mais son petit lit touchait à la cuisine, et à travers la cloison il entendait le vieillard qui marmonnait des choses inintelligibles, entrecoupées de profonds soupirs. La curiosité, à la fin, l’emportant sur la terreur, il se leva, et à travers une fente de la porte regarda.

Léopold se tenait debout, tourné vers la partie la plus obscure de la pièce, et s’adressant alternativement à des personnages invisibles, il disait :

— Je vous attendais, Vintras… Te voici, François… Où repose Thérèse ? Est-elle à l’abri du froid, du vent, de la tempête ? Où t’a menée la vie, Thérèse ?

Ces ténèbres et ces soupirs, ces flammes de l’âtre et ces adjurations remplissent l’enfant