Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/386

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prit le pauvre pontife dans ses bras, le hissa sur son cheval et l’emmena en croupe dans la direction d’Étreval où il habitait. Mais chemin faisant, quand il eut reconnu dans ce passant égaré le fameux M. Léopold Baillard, il fut pris d’un vague malaise, comme s’il portait le diable en croupe, et ma foi ! la force avec laquelle le vieillard avait noué ses bras décharnés autour de son cavalier donnait quelque vraisemblance à ce soupçon. Il ne se soucia pas d’introduire chez lui ce bizarre compagnon, et avec une courtoisie prudente, il lui demanda s’il ne lui serait pas agréable de passer la nuit au château d’Etreval, chez les enfants de Monsieur Haye.

Étreval !… Monsieur Haye !… Souvenirs lointains, mots magiques ! Ils ranimèrent Léopold et lui donnèrent de l’imagination.

Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas vu une arrivée aussi romanesque, la charmante ruine Renaissance, aux fenêtres sculptées de feuillages et de fruits, qui couronne la hauteur d’Étreval. Elle put frémir joyeusement, à l’apparition de ce cheval efflanqué et de ce jeune paysan qui lui amenaient en croupe le plus vieux et le plus étrange rêveur de cette terre. Jamais Walter Scott, le chantre des races opprimées, n’imagina un rendez-vous noc-