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conduisant un haquet de marchand de vins. C’était Quirin, passé à l’état d’image exemplaire pour épouvanter les jeunes séminaristes… Par ailleurs, on racontait l’avoir vu dans le petit village vosgien de Rugney, campé dans une roulotte, sur la place, entre la fontaine et l’église, avec une femme et des enfants. Était-ce sœur Quirin ? On ne sait. Elle portait un bonnet noir : elle entrait peu ou pas à l’église. Mais Quirin, lui, ne manquait pas un office. Couvert d’une longue pèlerine noire, et coiffé d’un vaste chapeau de même couleur, il se plaçait près du confessionnal et suivait les prières sur son livre avec un grand recueillement. Sa roulotte était un théâtre de marionnettes. C’était lui qui tirait les fils et faisait parler les pantins, en contrefaisant sa voix.

Après Quirin, c’est Euphrasie qui meurt. On était si bien accoutumé à la voir humble devant tous, dévouée à Léopold et soumise aux oblats, que personne ne prenait la peine d’apprécier cette vieille femme, Léopold et Marie-Anne Sellier pas plus que les autres gens du village. Elle s’éteint. C’est un miserere qui se tait, une imploration que la mort accueille, une forme chétive qui s’en va humblement sous la terre.