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sait son sentiment. Il se reprochait d’avoir interprété d’une manière trop basse la faute des Baillard, de n’y avoir pas vu le péché contre l’Esprit-Saint. Il se demandait si à son arrivée sur la colline, tout jeune prêtre inexpérimenté, il s’était bien rendu compte de la qualité spirituelle des soucis qui tourmentaient les trois frères. Depuis son échec au lit de mort de François, des scrupules, des remords le rongeaient. Et d’un ton ferme, il coupa court à l’entretien en déclarant :

— Voilà vingt ans que j’ai vu Dieu abandonner Léopold Baillard à Satan, pour des causes qui nous sont inconnues, vingt ans que le malheureux va recueillant et ravivant sur cette colline ce qui subsiste des idoles et qui n’a pas été purifié par les prêtres du Christ. À cette minute, il tourne dans le cercle maudit ; prions pour lui, prions Notre-Dame de Sion qu’Elle assure à son cime le secours surnaturel dont il a besoin.

Les trois prêtres se mirent en prière et firent une longue méditation devant le paysage nocturne, dont la beauté était si grande qu’ils le regardèrent bientôt comme ils eussent écouté de la musique d’église.

C’était une nuit d’été calme et profonde, une de ces nuits où nos rêves s’enfoncent