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dans Saxon, il médite leur sens caché et suppute le moment où tous les corps de l’armée céleste entreront en campagne.

Le lendemain, le cycle de la vie terre à terre recommençait. Léopold retournait se charger de désirs mystiques dans la médiocrité de ses occupations professionnelles. Il reprenait ses courses pour le vin de Narbonne et pour les assurances. En sorte qu’il en était de cette vie, où les dimanches étaient ainsi espacés au milieu des soins les plus prosaïques, comme de ces vieilles épopées où, dans l’entre-deux des beautés, le poète s’endort.

Quand ils faisaient leurs quêtes à travers l’Europe, les frères Baillart aimaient visiter les champs de batailles napoléoniens. Aujourd’hui Léopold, en vendant du vin, en plaçant des assurances, éprouve toujours le même besoin de s’émouvoir, mais plus spiritualisé ; il aime visiter les églises, les vieilles forêts, les vallées solitaires, les sources… Il allait à pied le plus souvent. Pour se reposer, il n’entrait guère à l’auberge. Certes, il aurait donné du sérieux, voire quelque noblesse à la table du cabaret par ses grands benedicite, et les paysans si graves, si polis, ne l’auraient pas distrait, mais il préférait s’asseoir sur les bancs