Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fond de ce mouvement lumineux qu’il entrevoyait en lui. Il ne vivait plus que pour pressentir l’Invisible. Ces cinq années ne furent pour lui que de grands espaces remplis du seul mouvement de son cœur. Dans cette épreuve de la ruine et de l’exil, il se réfugiait sur son trésor intérieur, dans la région de l’âme où il n’y a plus de raisonnement, aucune pensée formulée.

À certaines heures toutefois, il se plaignit qu’au milieu des brouillards de l’exil, il n’eût plus d’effusion, plus de désir, plus une raison de vivre. Il se tournait alors en esprit vers la colline et son petit cénacle. À cette idée seule de Sion, il se remettait à tressaillir. Pour recharger sa conscience, que la perpétuelle contemplation du Dieu de Vintras aurait pu épuiser, il suffisait d’un mot de François. Cette voix de la sainte montagne ravivait en lui toutes les forces de l’Espérance.

Ainsi les deux frères vécurent réellement en deux endroits à la fois : François auprès de Léopold à Londres et Léopold à Sion aux côtés de François. Chacun d’eux était dans l’exil et sur la colline. Et leurs lettres, ce sont des strophes alternées qui s’emmêlent et se répondent, les hymnes de la captivité.

Et Quirin ? Il participe à cette vie de ses