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nous maintenions sur eux notre regard, durant ces misérables années d’un hivernage sans sommeil, durant ces cinq années où séparés les uns des autres, il vivent en veilleuses.

Trois mois après la journée de la Pentecôte, qui avait vu l’écrasement des Enfants du Carmel, sur la fin d’une après-midi d’octobre, une ombre se glissait dans Saxon et jusqu’à la maison de Marie-Anne Sellier, une ombre misérable : c’était François, mis en liberté après avoir subi sa peine, François, maigre, efflanqué, demi-fou, qui regagnait son gîte. Chez la veuve compatissante, il retrouva la pauvre sœur Euphrasie, et tous trois, baissant la voix, passèrent la nuit à causer de Léopold qui, depuis Londres, avait enjoint à son cadet de rentrer sur la sainte colline pour y donner ses soins à la petite communauté.

Le grand François qui est revenu ! Cette nouvelle fit une prodigieuse explosion dans tout le village. Les enfants, avertis au sortir de l’école, s’élancèrent joyeusement, leurs sabots à la main, sur les pentes du plateau et attendirent le pauvre homme, là-haut, devant l’église où son premier soin avait été de monter pour y prier et pour s’y déchirer le cœur. Il apparut. Quelle mascarade ! Défense lui avait