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cette mélodie qu’ils soupçonnaient, dont ils avaient besoin. Il l’a reconnue, saisie, délivrée. Elle s’élève dans les airs. Ils palpitent, croient sortir d’un long sommeil, accourent. Vintras exprime l’ineffable. Ses vibrations éveillent chez eux le sens du supranaturel. Il renverse, nie les obstacles élevés contre l’instinct des âmes et le mouvement spontané de l’esprit. Il fournit à ses fidèles le chant libérateur.

Sur la sainte colline souillée, c’est une résurrection des forces de jadis. Les dragons du paganisme, vaincus sur le haut lieu par le glorieux apôtre de Toul, saint Gérard, y réapparaissent. S’étaient-ils depuis tant de siècles engourdis dans les anfractuosités de cette vieille terre, dans les mines abandonnées qui creusent encore ses pentes du côté de Fresnelles, dans les souterrains de la tour demi-écroulée de Vaudémont, ou plutôt n’ont-ils pas survécu dans les profondeurs de ces âmes de paysans, derniers souvenirs d’ancêtres lointains ? C’est là que Vintras est venu les ranimer. Voici que se réveillent des puissances spirituelles que l’on pouvait croire épuisées. La circonstance rend sa virulence au poison, à la boue qui demeure après le décantage. Autour du sanctuaire de la vierge,