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des accents plus mystérieux et l’aspect d’un grand autel paré de lumières pour le divin sacrifice ; il écoutait les bruits du village, l’aboiement des chiens, la douce activité du presbytère tout proche ; il se prêtait surtout à ce souffle de Dieu qui glisse le soir à travers les campagnes. Auprès de lui se tenaient avec tendresse les deux ombres de son père et de sa mère, telles qu’il les ramenait de Borville, et dans sa longue méditation nocturne, le cœur et la pensée envahis de puissants effluves nouveaux, il cessait de se tourner vers l’ancienne vie lorraine pour en appeler à la vie surnaturelle. Il n’appartenait plus à la terre… Force universelle, amour, puissance qui s’éveille en nous pour donner des couleurs et des sonorités au monde, désir, voici que tu te redresses, une fois encore, chez Léopold ! L’étrange homme a trouvé son bonheur, le seul bonheur qui jamais, il le jure, ait été digne de sacrifice. Un nouvel amour vient de s’emparer de son âme, d’anéantir toutes ses expériences antérieures, de le laver, de le régénérer, et naïf comme un jeune homme, ce vigoureux quinquagénaire s’élance, le cœur en feu, vers des régions inconnues. Ce n’est pas qu’il ait découvert une jeune figure émouvante dans l’ombre d’un soir d’été