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vainqueurs de la mort. » Quand apparurent les tristes et charmantes fleurs de l’automne, les colchiques violets, elle y vit une image de l’état religieux : « Parfois, disait-elle, un semis de veilleuses, comme une douce congrégation, peut sembler inutile, mais elles servent de parure au milieu de l’humble prairie et chantent la louange de Dieu. » Des groupes de papillons qui s’élèvent et se poursuivent lui semblaient des âmes qui se libèrent. Des vols de corbeaux qui passaient en croassant, elle les insultait, les moquait comme des démons désarmés.

Parfois des pèlerins se scandalisaient de ces beaux arbres abattus et de ces terres de la Vierge où l’on menait la charrue. Des invectives s’échangeaient, un vrai combat de gros mots. Mais sœur Thérèse marche à côté de l’attelage et vaticine : « Ils croient que nous cultivons la terre et nous cultivons le ciel. »

Les brumes d’automne fermaient l’horizon et limitaient ce royaume privilégié. Sur la colline rendue au calme divin, on vivait tout le jour un rustique cantique des cantiques, qui se prolongeait dans la nuit. Chaque soir, les sœurs et les frères, auxquels se joignaient les amis de Saxon, faisaient la veillée autour du feu de la cuisine. Tout en écossant les