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tout un monde de paysans, de frères et de sœurs, armés de haches, de pioches et de scies, se démenait sur le plateau, au milieu des arbres surpris de l’effroyable aventure.

Chose admirable, ces barbares travaux s’accomplirent dans l’allégresse. On vit se déployer sur la colline une activité toute virgilienne, mais pénétrée d’accents chrétiens. Une perpétuelle prière, ou plutôt une constante exaltation de l’âme l’accompagnait, à peu près comme le chant des orgues soutient une prose médiocre. Le matin, l’escouade des frères et des sœurs partait en chantant pour l’esplanade. Ils y trouvaient déjà rassemblés les amis de Saxon, venus avec leurs outils. Ces ingrats enfants de la colline commencent par couper arbres et arbustes à ras de terre, ensuite ils enlèveront les souches avec des haches et des pioches, et quand les beaux tilleuls seront débités en bûches pour chauffer le couvent cet hiver, ils laboureront l’esplanade et la sèmeront de pommes de terre.

Ces destructions, qui allaient prendre tout leur temps durant les mois de septembre, d’octobre et de novembre, se présentaient à eux avec les attraits du sentiment. Tout le long du jour, chacun, par un signe de croix ou par une prière, faisait hommage à Dieu