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risés d’une protection spéciale du Ciel. Leur petite armée, dans la force de l’âge, entourait l’église de ses troncs pressés et lui faisait une sorte de bouclier contre le vent. Ces belles allées circulaires étaient le véritable luxe de la contrée, l’image du repos dominical et du loisir heureux, après les semaines de travail. Pourtant Léopold n’hésite pas ; il décide de les couper et de mettre en culture les terrains de la promenade, afin de se conformer au songe de sœur Thérèse et aux paroles de Notre-Dame qui, dans sa bonté, avait bien voulu se rendre compte qu’il fallait créer des ressources à ses fidèles serviteurs.

C’est l’automne, la saison où, sous un soleil refroidi, chacun recueille ce qu’il a semé. Mais Léopold, à cinquante ans, jette bas ses œuvres, coupe ses ombrages et promène le soc de la charrue sur ce qui faisait l’objet de sa tendresse. Rien, pas même sa rupture avec ses confrères et avec son évêque, ne permet mieux de mesurer la puissance de ses nouvelles espérances que de le voir ainsi couper ses tilleuls, sans un mot de regret, sans un soupir de tristesse. Il communique autour de lui sa flamme dévastatrice. Ses fidèles de Saxon accourent à la rescousse. Et huit jours après la fête de Sion et le message de la Vierge,