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LA COLLINE INSPIRÉE

morceau. Quand tout le monde s’exclamait, elle ne se gênait pas pour aboyer…

François n’avait garde de s’arrêter. Excité par l’effet qu’il produisait et par l’excellence du modeste repas, il retrouvait sa drôlerie de jeune paysan, une drôlerie toute-puissante sur des assemblées de village, où le goût du merveilleux n’a d’égal que le goût de la farce. Après avoir entraîné ses auditeurs dans la région des prestiges, il les ramena tout d’un coup dans une réalité plaisante. Ce fut Thérèse Thiriet qui fournit une matière à sa verve aimable et rieuse.

— Vous savez qu’autrefois je ne m’entendais guère avec notre sœur Thérèse. J’ai même eu des mots, à cause d’elle, avec mon frère Supérieur. Aujourd’hui, tous les nuages sont dissipés ; nous sommes devenus, elle et moi, de grands amis. Vintras a fait encore ce miracle. Mais ça n’a pas été tout seul, n’est-ce pas, ma sœur ?

Sœur Thérèse fixait sur lui en souriant un regard indéfinissable, où il pouvait y avoir les sentiments complexes d’une religieuse pour un prêtre, d’une jeune paysanne pour un loustic, et surtout un sentiment royal de supériorité bienveillante.

— Notre sœur, continuait le grand François,