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LEURS FIGURES

Il ajouta quelques phrases fort gracieuses sur le talent de Sturel.

On fit entrer M. de Lesseps. Il entendit lecture de l’article et de la déposition. Il ne contesta aucun point particulier.

— Ce sont des suppositions, dit-il, et puis, jusqu’à cette heure, il me semble, je ne suis pas poursuivi sur le chef de corruption.

Il fit une sorte de profession de foi :

— Mon Dieu, j’ai mené mon affaire comme chacun y est obligé maintenant. Nous avons construit Suez avec nos propres forces, sans syndicats, sans banquiers et sans autres dépenses de presse que des annonces. Les mœurs ont bien changé. Maintenant, pour réaliser une émission, il faut la presse et le syndicat de garantie… Parlons d’abord de la presse. La subvention aux journaux a été inventée par un homme très honorable qui avait fondé un petit journal financier répandu dans les banques. Chaque fois qu’on annonçait une émission, il rendait visite aux intéressés : « Jamais je ne vous attaquerai, leur disait-il, je ne suis pas un maître-chanteur, mais, si vous ne me donnez rien, je ne parlerai pas de vous. » Alors, on lui donnait des petites sommes, qui, cinq mille francs, qui, six mille, et il finissait par se faire d’assez gros bénéfices. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus lourd. À chaque émission il faut servir de très fortes sommes à la