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LEURS FIGURES

qu’aux vasques croupissantes où des plombs bronzés, que gâte l’humidité poisseuse, émergent à fleur d’eau. Nul passant, rien que la mort et la gamme de ses marbrures, et Sturel qui s’attarde à se mirer dans ces labyrinthes comme dans sa conscience pleine des bois morts de son beau roman.

Aujourd’hui, 3 décembre 1893, Sturel atteint sa trentième année ; en voici onze qu’il vint de sa province à Paris ; il se sent plus nu d’amis et plus enveloppé de désert que le soir où il débarquait au trottoir du Quartier Latin. Mais il a vu le nœud des intrigues parisiennes, touché le fond des succès, des échecs, et remonté à l’origine de toutes les opinions. Le déshonneur de Bouteiller, l’honorabilité de Saint-Phlin, la réussite de Suret-Lefort, le bonheur de Rœmerspacher, sont pour lui des petits problèmes, ni obscurs, ni incomplets ; il sait combien les efforts individuels sont dominés par les mouvements de la France, et cette vue le garde de tomber dans une indigne dépression : il ne croit pas s’être mépris sur ses aptitudes au bonheur ; les circonstances le contrarièrent ; il atteint à comprendre les choses et ne renonce pas à les désirer.

Au cours de l’après-midi, son interminable promenade l’ayant conduit des sombres bosquets au « Jardin du Roi », il frémit d’aise devant cette architecture végétale et cet art de disposer les réalités de manière qu’elles enchantent l’âme.