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SURET-LEFORT MANGE BOUTEILLER

ses constantes attaches boulangistes. Il n’était pas fier dans les premiers temps à la Chambre, quand il quémandait des poignées de main républicaines ! Comment a-t-il osé se porter contre moi ?

Bouteiller ne parlait point à des hommes du monde, mais à des professionnels. Avec la forte logique des politiciens pour qui seul le fait vaut, ils l’interrompirent :

— Puisqu’il a réussi, il a eu raison : il n’y a plus à discuter.

Ce mot descendit dans les parties les plus profondes de Bouteiller en ravageant tout sur son passage. Resté seul, cet homme de valeur, subitement chassé de son cadre, fit de la poésie sentimentale (tel un infiuenzé eut fait de l’albumine). Comme un chien abandonné va flairer les maisons où il eut sa soupe, sa niche et les brutalités amicales d’un palefrenier, Bouteiller, au cours de cette semaine où il fuyait la Chambre, passa plusieurs fois, le soir, devant la République Française. À la façon des amants malheureux, il se complut par un besoin d’antithèse cruelle à se rappeler dans quels sentiments, jadis, il avait franchi ce seuil de Gambetta. Qu’était-il alors ? Une jeune bête primée dans les concours. Ah ! le bonheur, la force, la beauté de la jeunesse, pour qui tout est facile ! Est-ce bonheur de jeunesse ou prodige de diplomatie ? ce nouveau venu de Suret-Lefort vient de jouer, d’exécuter un des cerveaux les plus