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LA LIQUIDATION CHEZ STUREL

Sturel, assis dans l’ombre, observait, comme un premier signe des tempêtes où il allait entrer, les allures de son visiteur.

Suret-Lefort tenait sincèrement Sturel pour un excentrique dangereux. Il pensait : « Où voit-il son intérêt ? Comment agir sur lui ? » Il approcha une chaise, fit son visage grave et, baissant la voix, ce parfait comédien créa une atmosphère d’intimité :

— Aucun de nos amis ne te comprendrait. Consulte Rœmerspacher, Saint-Phlin, que tu estimes, n’est-ce pas. Quelle opportunité de te compromettre dans une cause notoirement perdue ? Tu as vu la concentration cet après-midi. Le parti républicain est décidé à interdire toutes ces dénonciations. Tu n’es pas monarchiste. Dès lors, que veux-tu ? Où vas-tu ? Ces gens-là (il désignait la liste interrompue des chéquards) ne m’intéressent pas : si tu les déshonores (il sourit), je suis plus tôt ministre. Mais… (il marqua un temps) il y a Bouteiller.

Sturel se taisait. Suret-Lefort continua :

— C’est un homme de valeur. Coupable ? Innocent ? Tu crois le savoir ; je l’ignore. En tout cas, un des esprits les plus vigoureux de cette Chambre. Et laisse-moi te le rappeler, mon cher Sturel, sa valeur, nous ne la connaissons pas d’aujourd’hui. Sturel se cabra.

— Eh ! Boulanger avait plus de valeur pour ce