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VAINES DÉMARCHES DE STUREL

Français » affirmer les immenses bénéfices que produirait le canal, lui avait donné toutes ses économies. Le président Périvier traita de haut en bas ce pauvre M. Gogo.

L’exacte qualité de ces longues journées s’exprima à ravir dans l’attitude, le ton et l’argument de M. Waldeck-Rousseau, qui plaidait pour Eiffel.

Waldeck, qui est un peu artiste (il peint à l’aquarelle), un peu rêveur (il pêche à la ligne), affiche dans toutes ses occupations la nonchalance et, envers tous les hommes, le mépris. Il aime qu’on attribue à sa suprême indifférence le goût qu’il a pour s’entourer de parasites et de domestiques, grossiers et parfois tarés. « Qu’est-ce que peut me faire la qualité des gens ? » semble-t-il dire, figé dans son silence comme un brochet dans sa gelée. De taille élancée et raide, il a ces yeux froids et bleus que le peuple appelle des yeux de poisson. C’est une figure de basoche, d’un type fort commun en Angleterre, mais plus rare en France, et qui étonne parce qu’une paralysie des muscles dans les bajoues et le menton lui donne une impassibilité forcée. Cette infirmité pittoresque est cause que beaucoup de gens lui trouvent, quand il se tait, l’esprit glacé d’un Mérimée. À la barre, il n’écoute jamais son adversaire et prononce un discours très préparé où il ne tient aucun compte des faits ni des arguments produits par l’audience. Ceux qui n’aiment pas