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L’ENVERS DE L’HÉROÏSME

avoir cédé au plaisir de conspirer), qu’un jeune homme mal vêtu l’aborda et lui tendit la main :

— J’avais toujours pensé que vous étiez des nôtres. Je vous félicite, compagnon Sturel, de votre campagne.

Sturel reconnut aussitôt son pittoresque compatriote Fanfournot, fils d’un concierge du lycée de Nancy[1].

Il y avait quelque chose d’affecté dans le ton de Fanfournot et sa lèvre gonflée dénonçait la scrofule. Mais, tout de même, le beau regard d’un enfant prêt à donner sa confiance !

— Pourquoi dites-vous que je suis des vôtres ? demanda Sturel.

Fanfournot, sans répondre, déclara avec suffisance :

— On pourrait peut-être vous aider.

Sturel, depuis le matin, se demandait si, dans les vastes espaces qu’il venait de traverser de Chantocelles à Moulins, il y avait un Français capable de haine active contre le Parlement. Avec

  1. En 1880, Louis Fanfournot ayant douze ans, son père le concierge, vieux soldat, soupçonné de bonapartisme, fut congédié sur une dénonciation de Bouteiller, alors professeur à Nancy des Sturel, Rœmerspacher, Saint-Phlin et autres. En 1884, Louis Fanfournot, devenu une sorte de groom bénévole à la Vraie République, s’associa de très près à la vie de Racadot, puis de la Léontine. Mêlé à une rixe, il fit de la prison en 1888. Il fut un des plus désintéressés et des plus ardents partisans du général Boulanger. (Voir les Déracinés et l’Appel au Soldat.)