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LEURS FIGURES

défaillances individuelles, elle travaillera comme par le passé, en toute indépendance et en toute liberté, dans l’intérêt et pour le bien de la République.

C’est beau de faire ainsi le puritain au retour de pénibles séances chez le juge d’instruction ! Dans les papiers saisis chez Arton, la Justice avait trouvé une des fameuses circulaires expédiées aux sénateurs et députés par M. Ferdinand Martin pour leur dénoncer la corruption. Surprenante particularité, cet exemplaire portait l’adresse de Bouteiller. Pourquoi celui-ci l’avait-il remis à Arton, s’il ne se sentait pas coupable et s’il ignorait que le distributeur visé par M. Martin était Arton lui-même ? Le juge avait invité Bouteiller à s’en expliquer. C’est pourquoi auprès de l’éminent député de Nancy on voyait maintenant Mouchefrin. Oui, le dégradé Mouchefrin, qu’assurément Bouteiller n’eût pas reconnu quinze jours auparavant ! De quoi vivait ce maigre revenant, marqué d’alcool, vieilli, creusé ? D’affaires de publicité qui sentaient toujours le chantage et d’infimes mensualités à la préfecture de police. L’orgueilleux Bouteiller employait ce triste hère à dépister les reporters, à les entraîner hors des couloirs, pour qu’on ne le vît pas entrer chez le juge, peut-être à les payer. Son nom fut chuchoté plutôt que prononcé. Mais comme le cœur s’affole et use ses parois chez un être qui attend toute la nuit les terribles journaux