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LE CADAVRE BAFOUILLE

eussent depuis un mois composé devant leurs miroirs leurs traits, ne purent dissimuler au public du Palais-Bourbon l’affreuse grimace d’un buveur qui vide son pot de vin jusqu’à la lie. Les uns, fiévreux, donnaient des explications avec des « C’est évident… Comprenez-moi… Quel enfantillage… » Les autres, blêmes et mous, circulaient au bras d’un client, comme un gâteux guidé par son valet de chambre dans un embarras de voitures. Ces grandes crises morales chez les hommes d’un certain âge font sortir les maladies qu’ils couvent : celui-ci sent sa vessie, cet autre son foie, ce troisième ses intestins.

Dans cet air empesté, le triste Carnot, si étroit d’épaules, mais doucement têtu, résista au rude chantage supérieurement orchestré par Constans. Il voyait trop bien que ce vainqueur du boulangisme, édifié sur la reconnaissance des assemblées, ne sauverait plus ses collègues gratuitement. Après onze jours, il parvint à constituer un ministère Ribot, où Rouvier représentait le groupe Reinach, où Freycinet servait de garant à Herz, où Bourgeois couvrait Floquet, où Burdeau valait pour négocier avec les administrateurs du Panama.

Ces habiles gens sentirent leur impuissance à tout maintenir dans l’ombre. L’essentiel, c’était de refuser les moyens d’action judiciaire à la Commission d’enquête, c’était d’enterrer les