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L’APPEL AU SOLDAT

l’avenir de sa carrière politique et se rabat, comme dans son refuge, sur ce cadavre. La tombe seule l’abriterait.

Dans ces rêveries de ténèbres, la curiosité des badauds le poursuivait. Pour éviter leurs attroupements, il dut modifier ses heures.

Le 23, il demanda l’autorisation de faire macadamiser les chemins autour de la sépulture. Les 24, 25, 26, 27, 28 septembre, il arrangea sa bibliothèque et chaque matin, dans le fourneau de la cuisine, brûla des lettres et des documents. Il ne s’abaissera pas à la petite guerre même après sa mort. Le César doit dominer et puis amnistier ; il voulut au moins réaliser la seconde partie de ce programme. Le lundi 28, il paya ses fournisseurs, soin qu’il prenait d’habitude, le premier de chaque mois. Après ce règlement, il ne lui restait qu’un peu de monnaie blanche. Le 29, il demanda à M. Mouton, « pour les classer », ses derniers papiers politiques, les plus importants, et il les détruisit. Le même jour, il écrivit tout au long de sa propre main, sans rature ni hésitation, ses deux testaments, le politique et le privé.

L’un débute ainsi : « Ceci est mon testament politique. Je désire qu’il soit publié après ma mort. Je me tuerai demain… » et se termine par : « Ceci est écrit en entier de ma main, à Bruxelles, 79, rue Montoyer, le 29 septembre 1891, veille de ma mort. » Il y affirme sa confiance dans le triomphe de son parti et déclare disparaître non par découragement, mais en raison d’une douleur qui lui rend tout travail impossible. Il expose son regret de ne pas mourir sur le champ de bataille, en soldat.

Voici les premières lignes du testament privé :