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L’APPEL AU SOLDAT

corps, il pensait que le Général, désormais plus libre d’esprit, oserait sans doute davantage. Cependant, au premier étage, le malheureux, agenouillé dans les fleurs funéraires, s’épuisait à prendre en soi toute la morte.

Autour de cette maison du désespoir, tapageait la curiosité indiscrète et dure des Belges. Leurs ébats faillirent renverser le cercueil. Le Général, en habit noir, avec la plaque de la Légion d’honneur, livide, mais redressant le front, instinctivement tendit ses mains tremblantes. Au cimetière, on dut le soutenir, puis il demeura seul près de la tombe, où il renouvelait un serment.

La délégation de ses amis parisiens attendait, groupée à la porte du cimetière. Parmi eux, Déroulède, qu’il n’avait pas vu depuis le terrible « Paraître ou disparaître » de Jersey. Quand le chef passa, ils saluèrent profondément. Ils le suivirent de loin jusqu’à la rue Montoyer. Sturel pénétra jusqu’au Général :

— Vos amis franchissent votre seuil ; ils vont retourner à Paris ; ne les verrez-vous pas ? Ils servent toujours votre cause.

Méconnaissable, le visage encore jeune sous ses larmes, mais indécis de gestes et titubant presque, il refusa d’abord. Puis il fit signe de les appeler. Il ne put rien dire et chancela sur leurs poitrines. Avec eux tous, Sturel regagna Paris. Il calculait qu’avant six semaines, décemment, il ne pourrait pas entretenir des ignominies panamistes le Général.

L’agonie dans la solitude commençait. Tant d’injures subies et les plus honteuses diffamations, les