Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/512

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
506
L’APPEL AU SOLDAT

comme couronnement, un tribunal inique me prive de ma patrie.

— Que devons-nous répliquer quand les « Coulisses » racontent que vous avez fait un pacte avec les monarchistes, dont vous receviez l’argent, dans le but de restaurer le roi, sans que nous autres, républicains, nous l’ayons su ?

Boulanger haussa les épaules.

— Faut-il nous borner à répondre que vous comptiez manquer à vos engagements ?

Le Général frappa du poing le bureau et, très pâle :

— Vous ne m’auriez pas parlé sur ce ton-là, rue Dumont-d’Urville.

Renaudin multiplia les excuses. Il perdait le moindre respect de soi-même à mesure qu’il se sentait percé, méprisé par le chef, pour qui, tout de même, depuis trois ans, il avait eu de l’enthousiasme, du dévouement et quoi ! de la naïveté. Prêt à déserter cette amitié qu’il venait de rendre impossible, il mettait tout son cœur à emporter un petit souvenir : il inventa que le parti lui devait 6,000 francs parce que, depuis les élections, il ne touchait plus sa mensualité de 500 francs, compensation de sa place du XIXe Siècle.

— Voulez-vous ma montre ? dit Boulanger, en détachant sa chaîne.

Rentré à Paris, Renaudin fit bien rire les couloirs du Palais-Bourbon ; il dépeignait à ses collègues « la tête du brav’Général » quand, à brûle-pourpoint, il lui avait décoché : « Le commandant Solar était bien imprudent. »