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L’APPEL AU SOLDAT

du Parti national qu’il rédigerait et que signerait le Général. Il commença d’interroger. Son hôte refusait les questions précises et s’échappait dans une apologie générale de sa conduite, rejetant toutes les fautes sur ses collaborateurs et surtout sur la Droite.

— Dites bien, répétait-il, que, quoi qu’il arrive, je ne veux plus avoir affaire avec ces gens-là. Proscrit par la République, je ne servirai jamais que la République.

Il avertit Renaudin qu’à table on écartait toute politique. Mme  de Bonnemains éclatait en larmes, au seul nom de ces « Coulisses » où elle était si durement dévoilée.

Ils déjeunèrent avec Mmes  Boulanger mère et de Bonnemains ; ils admirèrent le jardin et la vue ; le landau les promena tous les trois, et beaucoup de leurs phrases sur Jersey et sur Paris avaient déjà servi entre le Général et Sturel. Seulement Renaudin ne se borna pas à s’impatienter secrètement. Décidé à rapporter une aile ou une plume, il osa entreprendre Mme  de Bonnemains sur l’utilité de réfuter point par point les calomniateurs. Boulanger, contenant avec peine sa colère, répliqua qu’il attendrait que ces gens-là eussent vidé leur sac pour balayer les calomnies.

Renaudin protesta de sa soumission. Depuis trois ans, il sacrifiait tout, en aveugle, au Général ; s’était-il jamais permis une objection ? aujourd’hui seul le guidaient l’intérêt du chef et l’avis de tous les fidèles. Comment douter de son abnégation dans une cause qui lui avait fermé tous les grands journaux et qui le forçait de rogner le pain de sa mère et de sa sœur ? C’est vrai que l’échec d’un parti