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L’APPEL AU SOLDAT

toujours il avait veillé à limiter l’influence de Déroulède.

— Je ne refuse pas d’agir, bien au contraire, répondait-il à Sturel, mais je me conduirais comme un fou en me livrant à mes ennemis de la Haute Cour. La sagesse d’un chef, c’est de ne pas accepter le combat que lui offrent ses adversaires sur un terrain où il sent l’infériorité de ses forces. Qu’on me propose un plan : on peut compter sur moi et je trouverai des ressources pour toute action où je verrai une quantité raisonnable de chances.

Mis en demeure de sortir des généralités, Sturel affirma la nécessité d’une feuille hebdomadaire qui relierait entre eux tous les boulangistes et leur fournirait la doctrine directe du chef. Boulanger l’approuva et l’invita à se mettre en relations avec Pierre Denis, qui lui avait proposé quelque chose d’analogue. Mme de Bonnemains offrit de recommander elle-même ce bulletin à des amis sûrs et actifs.

Tout au fond, les premières et excessives complaisances de la fortune disposaient ce chef à se laisser faire par la destinée. Sturel, avec la clairvoyance que donne le contact direct, discerna quelque puérilité à demander une propagande doctrinale à un tel homme. À la guerre, dans les voyages, dans les grands commandements et au ministère, Boulanger avait acquis des connaissances très étendues ; son esprit attentif et naturellement juste savait les employer au bon moment, mais il n’était pas doué pour les traduire en idées. À plusieurs reprises, lors de sa première visite à l’Hôtel du Louvre, puis à son retour de la Moselle, Sturel avait laissé de côté les considérations que Saint-Phlin l’avait prié de transmettre au