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L’APPEL AU SOLDAT

la Chambre par des manifestations de la rue. Naquet, tout comme un autre, en 1870, a pris d’assaut le Palais législatif ; il est prêt à se faire tuer de nouveau pour installer le chef au pouvoir ; mais une révolution, déjà difficile si l’on dispose de tout le peuple, devient impossible s’il se coupe par moitié. Le philosophe de l’antiparlementarisme voit la force du parti, non pas dans les violences impuissantes, mais dans un groupe démocratique et tolérant où se fondront les révisionnistes de droite et de gauche.

Dans un conseil militaire, les opinions exprimées ne doivent jamais dégénérer en une critique contradictoire ; il faut présenter des propositions précises. Mais quatre années dans le monde politique assouplissent un soldat. Boulanger laisse aux membres du Comité la satisfaction de bien parler, et, les écoutant avec un intérêt dont l’expression, pas une seconde, ne se dément sur son visage, il se préoccupe seulement de distinguer leurs motifs. Les belles phrases d’un parlementaire, quand elles vous arracheraient des larmes, prouvent seulement qu’il sait bien chanter. Tout l’intérêt gît dans les raisons de dessous.

Boulanger observe les attitudes, et s’instruit du ressort qu’il devra pousser chez chacun pour ramener aux décisions qu’il se réserve de prendre. Après cinq heures de cette éloquente séance, il se contente d’avoir su, par des silences, des sourires et de rares interrogations, persuader de sa préférence le groupe des honorables députés et en même temps le groupe des âpres blackboulés. Il ne semble préoccupé que d’avoir ses lieutenants en main. Cette indifférence à tout, hormis au loyalisme qu’il inspire, lui vient-elle de la discipline